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La respiration buccale

Définition

« Ensemble de signes et symptômes prenant place chez un individu qui substitue, pour diverses raisons,
totalement ou partiellement le pattern physiologique de respiration
par un mode de respiration orale ou mixte
,
pendant plus de 6 mois consécutifs
» (Veron et al., 2016).

La respiration buccale peut persister même après avoir levé les facteurs étiologiques :
on parle alors de respiration buccale par habitude.

Cette dysfonction ventilatoire toucherait environ 1 enfant sur 2.

Causes obstructives


Hypertrophie des amygdales ou des végétations adénoïdes 
Ces structures, si elles sont trop volumineuses, peuvent obstruer le nez ou la trompe d’Eustache (reliant l’arrière-gorge aux oreilles).

Déviation de la cloison nasale
La déviation de la cloison vers la droite ou vers la gauche peut provoquer une grande gêne respiratoire.

Faiblesse de la valve nasale
L’affaissement des narines lors de l’inspiration provoque un collapsus qui entrave la respiration nasale.

Hypertrophie des cornets
L’hypertrophie peut être osseuse, muqueuse ou mixte.

! Syndrome du nez vide : complication grave de la chirurgie endonasale

Polypes nasaux
Excroissances de chair provenant de la muqueuse nasale et pouvant s’étendre aux sinus, jusqu’à envahir toute la cavité nasale.

Causes iatrogènes
La prise abusive de vasoconstricteurs et décongestionnants nasaux peuvent entrainer une rhinite.
! Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (comme l’ibuprofène), certains psychotropes ou les hypertenseurs peuvent compter la rhinite parmi leurs effets indésirables.

Causes non-obstructives​


Frein lingual restrictif 
L’ankyloglossie est une anomalie congénitale des cellules du frein de langue, restreignant la mobilité et / ou la fonction linguale.
Un frein de langue restrictif peut limiter les mouvements linguaux et cantonner la langue à rester en position basse.
Ainsi, une hypotonie, une incompétence labiale et un retard du développement du maxillaire peuvent favoriser un pattern de respiration buccale.

Anomalies linguales
Dans certains syndromes, on retrouve une prévalence plus élevée de respiration buccale.
C’est le cas de la trisomie 21 et de la séquence de Pierre Robin.

Habitudes de succion précoce
L’alimentation au biberon demande moins d’effort musculaire et de coordination que l’allaitement. Les enfants alimentés au biberon seraient plus hypotoniques, ce qui les mettent en difficulté pour réaliser les mouvements de langue et avoir une succion synchronisée.
Ceci expliquerait chez ces enfants une tendance à se tourner vers des habitudes de succion néfastes : tétine, pouce, tétage de langue…
Ces para-fonctions entrainent une anomalie de posture linguale, labiale et mandibulaire, favorisant la respiration buccale

Conséquences sur la santé

 

 

Troubles du sommeil

2 impacts de la respiration buccale sur le sommeil : 
– Défaut de refroidissement des structures cérébrales : le cerveau en surchauffe provoque des micro-réveils, ce qui perturbe les cycles de sommeil.
– Effondrement pharyngé : la tombée de la mandibule vers le bas provoque un rétrécissement voire un collapsus des voies aériennes, ce qui engendre des troubles respiratoires du sommeil.

Retard à l’endormissement, sommeil agité, ronflements, réveils fréquents durant la nuit, syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS), énurésie… sont des signes évocateurs de troubles du sommeil.

Une moins bonne qualité de sommeil engendre à son tour des conséquences : réveil lent et difficile, somnolence diurne, trouble de l’attention, troubles des apprentissages, troubles du comportement, hyperactivité, retard staturo-pondéral…

Vulnérabilité aux infections touchant la sphère ORL 

Chez un respirateur buccal, la barrière immunitaire n’est pas assurée par le nez, mais par les amygdales. Comme des éponges, elles stoppent les intrus indésirables et grossissent à mesure qu’elles piègent les indésirables. Le problème : il n’est pas possible de désengorger ces structures, et les amygdales deviennent des incubateurs à agents pathogènes.

On observe chez les respirateurs buccaux un taux plus élevé d’infections de la sphère ORL : rhino-sinusites, otites, angines, etc. Ils consomment plus d’antibiotiques que les autres enfants, et le taux d’absentéisme scolaire pour maladie est également plus élevé.

Trouble de la parole et du langage

Près d’1/3 des enfants respirateurs buccaux présentent un trouble du développement des sons de la parole (Hitos et al., 2013).
Une langue en position basse, une hypotonie faciale ou une malocclusion dentaire peuvent expliquer les troubles articulatoires. De plus, ces enfants obtiennent des résultats plus faibles sur des épreuves de décodage phonémique et d’intégration binaurale que les enfants respirant par le nez. Ce déficit de traitement auditif peut être une hypothèse explicative quant aux omissions de sons dans la parole.

Par ailleurs, la respiration buccale et son impact sur le sommeil causeraient des troubles neurocognitifs, et entraveraient notamment le développement langagier.
Les enfants bénéficiant d’un sommeil réparateur présentent une meilleure production langagière, de meilleures performances lexicales et syntaxiques, tandis que les enfants présentant des TRS compensent leurs difficultés langagières par davantage de gestes.


Croissance mandibulo-faciale dysharmonieuse

Une respiration buccale entraine une croissance faciale déviante : visage plus long avec maxillaire plus étroit, mâchoires rétrognatiques, palais creux et étroit et malocclusions dentaires (articulé croisé postérieur, profils faciaux squelettique classe II ou III).

D’autres signes phénotypiques peuvent être repérés chez les respirateurs buccaux. Anciennement nommé « faciès adénoïdien », on parle aujourd’hui dans la littérature du « syndrome de la face longue » : bouche ouverte au repos, lèvres désséchées, tête projetée vers l’avant, cernes sous les yeux, pâleur, profil convexe avec menton en retrait, pommettes rétractées, sourire gingival…


Troubles posturaux

Tête en hyperextension, lordose du cou, déviations scapulaires et déviations latérales des colonnes cervicale et thoracique sont des compensations posturales fréquentes.

Le respirateur buccal adopte une posture caractéristique qui peut provoquer douleurs cervicales, dorsales et troubles temporo-mandibulaires.


Troubles respiratoires

La posture de tête en hyperextension induit une utilisation excessive du muscle sterno-cléido-mastoïdien, diminuant l’efficacité du diaphragme. La respiration buccale peut également engendrer une hypertrophie des muscles inspirateurs accessoires.
Une étude a démontré que la respiration buccale avait des conséquences à l’âge adulte, avec notamment une capacité d’exercice fonctionnel plus faible (Milanesi & al, 2014)


Santé bucco dentaire

La salive joue un rôle important dans le contrôle de la microflore buccale : elle régule l’acidité dans la bouche suite à l’ingestion des aliments, et protège l’émail contre la formation des caries.
Le flux d’air constant de la respiration buccale assèche dents et muqueuses, ce qui entraîne une inflammation gingivale chronique et un nombre plus élevé de caries.
La parodontite, les candidoses et l’halitose (mauvaise haleine), sont également plus fréquente chez cette population.


Troubles alimentaires et de la déglutition pédiatrique

La respiration buccale est à la fois corrélée à la présence d’une déglutition atypique et à une force de mastication diminuée.
On remarque alors une tendance préférentielle pour les aliments mous et l’utilisation de liquides pour aider à s’alimenter.
L’alimentation peut également être altérée par une diminution du goût et de l’odorat.

Suite à ces modifications de l’efficience masticatoire, de l’odorat et du goût, peuvent apparaître une perte d’appétit, des changements gastriques, une soif constante, une perte de poids ou, à l’inverse, une obésité.


Troubles vocaux

À l’inverse de l’air inspiré par le nez, l’air inspiré par la bouche est particulièrement sec.
Or, les environnements à faible humidité et la respiration buccale sont des facteurs de déshydratation des cordes vocales.

Ainsi, une respiration buccale augmenterait le seuil de pression phonatoire,  ce qui favoriserait l’apparition d’un comportement pathologique de forçage vocal ou entretiendrait des difficultés vocales pré-existantes.

 

Qualité de vie

Une étude réalisée à l’aide d’un questionnaire validé (Mouth Breather Quality of Life – MBQoL) a mis en évidence que les enfants respirant par la bouche présentent une qualité de vie significativement moins bonne que ceux qui respirent par le nez, en considérant des critères de santé physique et psychologique (Leal et al., 2016).

Pour conclure


Les troubles orofaciaux myofonctionnels (TOM) ont un impact sur le développement du craniofacial de l’enfant.
Cette morphologie particulière va empêcher à son tour le bon développement des fonctions orofaciales et entrainer ainsi un cercle vicieux.
L’interdépendance de la majorité des phénomènes causaux et consécutifs d’une respiration buccale a été illustrée dans un mémoire de logopédie (Piron, 2021).